Par le passé, le cocotier était sans nul doute, la manne des insulaires vivants entre l’équateur et le tropique du Capricorne au sud , à tel point que l’on pouvait en faire le spécifique attribut de régions entières du monde.
En effet, pendant longtemps les habitants des îles l’utilisèrent constamment au rythme de leur vie journalière. Son tronc svelte, élancé ainsi que son feuillage dentelé brodait le ciel et l’horizon d’un ourlet de verdure donnant aux plages qu’il bordait, un charme indéfinissable qui a toujours tenté les poètes, les peintres et les photographes. Son diadème de feuilles recouvrait les environs d’un doux manteau ombragé et lorsque les vents ondulaient ses palmes au repos du soleil, les âmes bercées s’évadaient en rêveries.
Son tronc servait souvent à construire la case familiale. Le cocotier offrait l’essentiel des matériaux nécessaires à la construction des meubles et à la fabrication des pirogues lorsqu’il était découpé en planches. Si par dommage, un cyclone le couchait à terre, il devenait alors un repas de roi par sa moelle et ses jeunes feuilles tendres que l’on nommait « salade du millionnaire ».
Grâce à ses palmes, on recouvrait les cases, les cloisonnait et jonchait le sol de nattes grossières afin de s’allonger. Au couchant, les palmes dressées sur les côtés de l’habitation préservaient l’intimité ou bien pouvaient protéger des vents violents. Elles servaient de chapeaux, d’éventails, de paniers, de balais, de torches et les jours de fêtes, de décorations.
Au lever et au coucher de soleil, les jeunes hommes grimpaient au sommet des arbres pour en recueillir les noix. Là, ils ne pouvaient s’empêcher de chanter, de siffler des mélodies improvisées qui, d’arbre en arbre, gagnaient toute l’île avant que le vent ne les emporta. Vers d’autres mondes.
Instant magique et irréel que celui des cocotiers qui chantaient…
Les insulaires recueillaient aussi la sève qui s’écoulait goutte-à-goutte par une fente creusée au sommet de son tronc. Etendue d’eau, elle était, pour toute la journée, la boisson nutritive de la famille, du plus petit au plus grand. Cuite, elle devenait sirop puis remplaçait le sucre. Sa fermentation donnait un vin capiteux et, pouvait même, au besoin, devenir vinaigre.
Quant aux usages de son fruit, ils sont multiples. Jeune, la noix de coco contient une eau fraîche, propre, légèrement sucrée et très désaltérante ainsi qu’une pulpe gélatineuse très prisée. Lorsqu’elle mûrit, sa chair, plus ferme, peut-être râpée, afin d’être mélangée aux autres aliments, notamment au poisson. On obtient une sorte de lait (*) servant de sauce et même de laxatif, après l’avoir pressé dans une bande d’étoffe en fibre végétale fournit en abondance par le cocotier lui-même. Après cuisson de ce lait, on en retire une huile utilisée autrefois pour l’éclairage et pour se couvrir le corps ou se protéger les cheveux du soleil et du sel.
Mais le cocotier représente aujourd’hui essentiellement une marchandise. En effet, les habitants ramassent les fruits mûrs, déjà tombés ou encore sur l’arbre pour récupérer le coprah. On fend alors la noix de coco avec un sabre pour en extraire la pulpe et la faire sécher au soleil pour ensuite pouvoir la mettre en sacs et la vendre. Celle-ci permet alors de nourrir les animaux ou bien de fabriquer l’huile.
La noix de coco fournit également des sous-produits telle, à l’époque, la ficelle nécessaire à l’assemblage des bois de charpente ou à la construction des pirogues. On recueillait la bourre d’une noix de coco fraîche, encore verte car celle qui était mûre devenait impropre à cet usage. Après une première phase de macération dans l’eau suivie d’une période de séchage, les brins étaient rassemblés en de petites touffes que l’on étendait à même le sol. Ces petits paquets de fibres végétales étaient alors mis bout à bout puis roulés de la main droite sur la cuisse avec une rapidité telle qu’en très peu de temps, l’on obtenait une ficelle capable de résister à des efforts très violents et, assez rugueuse, pour rendre les nœuds difficiles à défaire. Quelquefois, la coque dure et mince de la noix de coco servait de tasse, d’écuelle, de calebasse et même de cendrier. Rien ne valait une noix de coco vidée et séchée au soleil pour entretenir un feu vif et peu fumeux.
Né d’une noix mûre restée au sol, le cocotier ne met pas plus de sept ans pour produire la sève et environ une dizaine d’années pour donner la noix. Il vit en moyenne cent ans en donnant une cinquantaine de fruits par an.
Le cocotier fut jusqu’à nos jours, tout à la fois nourriture, logement, transport : en quelque sorte, il permit donc aux insulaires de s’ouvrir au monde. Une véritable civilisation ?
Texte et photos Henri Eskenazi
(*) Recette du lait de coco : Prendre une noix de coco (l’amande), la râper et y ajouter un volume d’eau, puis presser. On obtient ainsi le lait. Recommencer l’opération avec la pulpe précédemment pressée qui redonnera du lait. Si on désire un lait très gras, il faut employer de l’eau chaude et de l’eau froide pour obtenir un lait plus maigre.